Automobile, la CFDT alerte : « on ne fait plus de bagnoles, on fait du fric ! »
Le 6 mai dernier, la CFDT a signé le contrat de filière 2024-2027 notamment parce qu’il intègre des ambitions en matière de soutien à la production de petits véhicules en France, d’une filière accompagnée via une approche territoriale de la gestion des emplois et des compétences et par l’ambition de réintégrer des filières en France (économie circulaire, électronique de puissance, batteries..).
Pour autant, pour la CFDT, il ne s’agit pas d’un blanc-seing donné à l’industrie automobile mais plutôt d’un outil pour la challenger dans l’intérêt des activités en France et en Europe. Lors du dernier conseil de secteur automobile CFDT auquel participent des militants CFDT d’entreprises de l’automobile de Métallurgie et de la Chimie, tous s’accordent sur la perte de sens de l’industrie automobile en France. « Aujourd’hui on ne fait plus des bagnoles, on fait du fric ! » La CFDT l’avait démontré dans une étude en 2021 avec la Fondation pour la Nature et l’Homme ; quel que soit le scénario, la chute des effectifs est inéluctable ne serait-ce que par la diminution de la part du diesel qui induit une diminution de près de 40% des besoins de personnels dans la filière moteur et transmission, par exemple.
La seule façon de stabiliser les effectifs à l’horizon 2030 et de décarboner la voiture est d’investir dans tout ce qui est en lien avec l’électromobilité et de soutenir le reste de la filière de productions de biens, services, pièces et composants. A défaut, la filière se videra encore de plus de 100 000 postes dans les 15 prochaines années. Les investissements réalisés jusque-là par les acteurs de la filière augurent un futur prometteur bien qu’il s’agisse souvent d’internalisation chez les constructeurs et équipementiers de rang 1 principalement.
Ce que nous constatons et dénonçons c’est une pression accrue des conditions d’achats imposées par les constructeurs qui sont dans une recherche permanente du moins disant économique, en favorisant les pays à Bas Coûts au détriment des Pays Occidentaux, dont la France fait partie. Pour ne prendre qu’un exemple récent, Magneto Automotive France (MAF), à Aulnay Sous-Bois, cesse son activité au profit d’un montage, sur un site Stellantis, qui ne représentera qu’une petite partie de la production initiale de MAF en France, alors que le reste partira en Turquie.
Soyons honnête, cela ne peut pas être porté au crédit positif de la localisation d’activité en France. Nous tirons les mêmes constats sur la R&D que dans la production. La liste est longue et les dernières annonces de partenariat avec la Chine chez Stellantis et Renault n’augurent rien de bon. La France ne doit pas devenir une terre quasi exclusivement centrée sur l’assemblage de véhicules dépourvue de centres de R&D, de fondeurs, de fabricants de pièces et composants.
A l’Instar de ce qu’a su réussir avec succès Toyota depuis de nombreuses années à Valenciennes, la dernière étude FNH/IMT à laquelle la CFDT a contribué, démontre clairement qu’une toute autre stratégie industrielle est possible surtout pour de petites citadines électriques, qui répondraient à la demande ( sur les 10 véhicules les plus vendus en Europe 7 sont du segment B en 2023 et aucun n’est assemblé en France) en objectivant les arguments de compétitivité coût de la France face à la Chine et à d’autres pays européens .
Il est grand temps de mettre en place des mécanismes qui mettent fin à la schizophrénie et au dogme du coût affiché par les constructeurs qui s’engouffrent dans une voie de la collaboration avec la Chine pour des raisons d’augmentation de leurs marges et profits. Il faut impérativement faire payer le coût environnemental dans l’achat et avoir des frais de douanes qui incitent au moindre impact écologique afin de réussir une transition juste en France et en Europe.
Les entreprises se doivent d’être socialement responsables aujourd’hui pour leur pérennité et celle des emplois des salariés de la filière, les investisseurs en sont demandeurs désormais. Le profit à 2 chiffres à n’importe quel prix ne peut être le seul objectif d’un dirigeant.
La CFDT revendique une politique industrielle Européenne et Française qui porte le maintien d’une filière automobile en France, compétitive, intégrant toutes les composantes et solidaire entre l’Etat, les entreprises et les salariés dans l’esprit du contrat de filière récemment signé.
Etudes FNH/CFDT de juin 2021 et FNH/IMT de mai 2024 disponibles https://www.fnh.org/mobilite-decarbonee/
Note : Le conseil de filière automobile CFDT rassemble des représentants du personnel CFDT d’entreprises de la filière automobile, du constructeur à l’équipementier en passant par les sous-traitants que ce soit dans l’emboutissage, l’assemblage, la plasturgie ou encore le caoutchouc et plus largement tous les fabricants de pièces et composants contribuant à la fabrication de voitures, utilitaires, poids lourds, bus….
t.laurent
7 juin 2024