Alstom : la CFDT déplore une désindustrialisation au profit des low cost d’Asie
La CFDT déplore une désindustrialisation au profit des low cost d’Asie, après une mauvaise gestion des affaires de Bombardier
Depuis le rachat de Bombardier, le groupe Alstom décline des objectifs dévastateurs concernant l’emploi en France. Sa stratégie mondiale sur 2020-2025 va engendrer une délocalisation de 40 % des études d’ingénierie vers les pays à bas coûts, bien que le groupe renomme cette manœuvre « Best Costs » pour rassurer ses investisseurs ou ses actionnaires. Mais la CFDT n’est pas dupe. Elle constate que les affaires d’Alstom vont bien, voire très bien, avec 76 milliards de commandes dans le monde, un record dans cette conjoncture difficile.
Alors, pourquoi déshabiller la France et l’Europe de l’Ouest de 60 % de sa production pour donner celle-ci aux pays « low costs », alors que la majeure partie du business ferroviaire français et européen va continuer à croître de trois points par an pendant au moins six ans? Choisir des « Best Costs » d’Asie tout en s’affirmant précurseur dans la décarbonation de la mobilité : pour la CFDT, voilà de quoi s’interroger sur la responsabilité sociétale d’Alstom. Est-ce cohérent de faire faire le tour de la planète à des matériels tels que des composants de Train-Métro-Tramway (châssis, traction, moteurs, chaudron…) par bateau avant de livrer clients français et européens ? Le choix de cette synergie n’est pas anodin, car aujourd’hui le groupe Alstom est dans une posture difficile, avec une « action » qui a dévissé de moitié en deux mois et une dette qui dépasse les deux milliards d’euros, à la suite de la signature de certains gros contrats de Bombardier sans marge garantie. Tout porte à croire que nous sommes dans une impasse financière. D’ailleurs, Alstom demande aujourd’hui la révision des clauses financières du rachat de Bombardier à la Haute autorité des marchés.
Alors qu’Alstom vit essentiellement de commandes publiques européennes et reçoit de nombreuses subventions, est-il normal que ses efforts financiers, les plus importants, portent sur des transferts coûteux, dans des pays hors Europe ? Avec cette stratégie et ce marasme financier, la CFDT note que 2 400 emplois seront concernés par cette course effrénée vers une marge à deux chiffres. Elle n’est pas pas sûre que les clients d’Alstom vont accepter les conséquences de la perte des compétences des salariés français, sur les matériels roulants, pour seulement voir la marge du groupe Alstom passer de 6 à 10 %.
Le savoir-faire est présent en France et en Europe et la situation internationale est instable. L’industrie française est affaiblie par sa dépendance dans de nombreux domaines mis en lumière après deux années de crise sanitaire et économique. La reprise est plus que compliquée à la suite de problèmes d’approvisionnement et de capacités à fabriquer. Une guerre atroce dont on ne connait pas l’issue s’est récemment déclenchée… Quelle sera la prochaine catastrophe ? Malgré cela, cette entreprise et d’autres n’en tirent aucune leçon. Alstom continue sa course à la mondialisation sans se soucier de l’avenir, alors que plus que jamais, il est temps de changer de modèle industriel, de ne pas faire comme s’il ne s’était rien passé et d’accroître l’activité industrielle stratégique en Europe. La CFDT demande que, dans les appels d’offres publics, l’empreinte carbone de même que les subventions liées à l’emploi local soient prises en compte. Les perspectives du marché ferroviaire européen sont énormes, comment justifier de mettre des salariés en APLD en France grâce en partie à de l’argent public tout en ayant des projets de délocalisations ?
Les fonctions support sont aussi de la partie dans une soi-disant synergie. La Direction annonce en plénière de CSE Central en mars 2022 que les futures embauches en France se feront par nos collègues Alstom de Roumanie. La CFDT a indiqué à la Direction que cette stupide décision allait mettre à mal toutes les relations sociales entre salariés et direction via les partenaires sociaux. Celle-ci a même entrevu la possibilité de sous-traiter la rédaction des bulletins de paie des 12 000 salariés français à la Bulgarie ou à la Roumanie, à croire qu’ils sont tombés sur la tête !
La CFDT demande que soit abandonnée cette stratégie de délocalisation de masse néfaste pour l’emploi en Europe, socialement et environnementalement irresponsable. Après avoir bénéficié du « quoi qu’il en coûte », Alstom doit contribuer à son tour à la réindustrialisation de la France et à l’approvisionnement de la filière ferroviaire européenne.
t.laurent
9 mai 2022